Les Amérindiens

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Un foisonnement de peuples

Au moment de la découverte des Amériques, de la Terre de Feu jusqu’aux confins du pôle Nord, ce double continent était habité par des sociétés indigènes présentant une très grande diversité, du point de vue des langues et des cultures. En fonction des milieux très variés : plaines alluviales, hauts plateaux arides, toundras arctiques, collines boisées, marais tropicaux, littoral de l’Atlantique ou du Pacifique…des modes de vie spécifiques ont été adoptés par de nombreuses ethnies : Shoshones, Dakota, Aléoutes, Tinglits, Blackfoots, Pawnees, Cheyenne, Sioux, Mandan, Ojibwé, Apaches, Inuits, Cris, Chinooks, Aztèques, Hopis, Seminoles, Mohicans, Mayas, Zunis, Navajos, Kwakiutls, Naskapis, Hurons, Flatheads, Crows, Ciboneys, Zunis…

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G. Mülzel — Nordisk familjebok (1904), vol.1, Amerikanska folk [1]. Wikimedia

L’histoire commence par un quiproquo

Lors de son périple sur la route de l’Asie, Christophe Colomb débarque sur une île inconnue (les actuelles Bahamas). Il pense avoir atteint l’Asie orientale et va nommer « Indios » les premiers habitants de ces contrées inexplorées. À l’approche des bouches du fleuve Orénoque pourtant, il se met à douter. Et s’il avait découvert un « Nouveau Monde » ? Une Terra Incognita, dont Ptolémée avait déjà pressenti l’existence.

Trop tard ! Les premières colonies américaines de l’Espagne seront appelées ‘Indias’ et les autochtones : Indiens. Plus tard, les termes « Amérindiens », plus précis, et « Native Americans » apparaîtront. Le Canada préférera « Premières Nations ». Quant à « Nouveau Monde », là encore, le terme laisse à désirer pour désigner des terres peuplées depuis des millénaires.

Origines

Selon un scénario qui n’est plus guère controversé aujourd’hui, une population d’origine sibérienne et mongoloïde aurait franchi le détroit de Béring, par vagues, il y a 40 ou 50 000 années, à la faveur des fluctuations des climats et des glaces, à la poursuite de gibiers (bisons géants, caribous, rennes, mammouths). D’autres thèses mettent en avant la traversée du Pacifique Sud, se basant sur des ressemblances entre les peuples d’Australie, d’Asie du Sud Est et ceux de la côte ouest des Amériques. Les anthropologues vont définir des aires géographiques (une douzaine), reflétant des modes de vie et un éventail linguistique (cinq cents langues) et culturel très riche.

Néanmoins, les peuples des Amériques révèlent des traits communs dans l’utilisation d’outils, des rituels ou des régimes alimentaires. Combien sont-ils en 1492 ? 1 million ? Ou 112 millions, selon le calcul d’un anthropologue en 1966 ? Plus sérieusement, et sans parvenir à un consensus, les chercheurs estiment à 7 millions d’Indiens précolombiens les habitants du Canada et des États-Unis. Une population qui diminuera fortement sous l’effet destructeur des maladies importées par les Européens (variole, rougeole, grippe…).

Un mode de vie autosuffisant en communion avec la nature

Le respect de la nature. 

« Pendant d’innombrables milliers d’années, nos peuples ont vécu sur ce continent dans la paix et la tranquillité, en coexistence avec la Vie Naturelle. Dans les commencements, il nous fut enseigné que les êtres humains qui foulent la terre ont bénéficié de tout ce qui est nécessaire à la vie… Nos racines plongent profond dans le sol où nous vivons… Nous nous y déplaçons avec le plus grand respect, car la Terre est un Lieu Sacré. »

Nations Diné, Lakota, Hodenosaunee, Déclaration collective au peuple des États-Unis et au monde, juillet 1978.

Et toujours des Hodenosaunee :

« … Dans notre vie quotidienne, dans notre gouvernement nous ne prenons jamais une décision sans penser à la septième génération à venir. Il est de notre devoir de veiller à ce que ceux qui vivront après nous, les générations à naître, héritent d’un monde qui ne soit pas pire que le nôtre – qui soit peut-être même meilleur, comme nous l’espérons tous. Quand nous marchons sur la Terre Mère, nous la foulons toujours avec la plus grande considération, parce que nous savons que les générations futures, qui montent de sous le sol, nous regardent. Nous pensons sans cesse à elles. »

En Amérique du Nord, les populations, regroupées en communautés à taille humaine, pratiquaient l’agriculture, à moyenne ou grande échelle, et cultivaient, selon les lieux : le maïs (aux grains jaunes, blancs, violets, multicolores), le haricot, la courge (sous de nombreuses variantes : potiron, courgette, calebasse…). Ce trio nourricier, appelé « Les Trois Soeurs », était souvent réuni sur une même parcelle. Le riz sauvage, le tabac (plante rituelle et médicinale), et le tournesol étaient aussi récoltés.

La propriété privée des terres n’existait pas. Celle-ci était sous la dépendance de celui qui décidait de la cultiver et il bénéficiait ainsi d’un droit d’usufruit, et ce pour autant d’années qu’il continuait de la défricher et de l’ensemencer.

« L’être humain appartenait au monde, et non l’inverse ».  Malgré la profusion animale et végétale du continent, les Amérindiens, chasseurs-cueilleurs, pêcheurs, éleveurs ou aussi agriculteurs, font preuve d’inventivité et d’ingéniosité en matière de chasse et de piégeage. Ils parviennent à établir un mode de vie frugal équilibré. Dans les régions arides du Sud-Ouest, des peuples excellaient dans l’art de survivre avec peu.

L’abondance d’un côté, la frugalité de l’autre, cette dichotomie sera rompue lors de la colonisation, à l’origine de la destruction des animaux et des plantes.

Avant l’introduction du cheval par les conquistadors, c’est à pied que les Indiens des Plaines et du sud-ouest se déplaçaient. Rares étaient les nations totalement sédentaires, c’est la mobilité qui caractérisait ces peuples. Les longs voyages, selon un circuit annuel, et ponctués de campements à durée variable, étaient fréquents et permettaient d’ailleurs des rencontres avec les groupes voisins. Ce sont les femmes qui charriaient la plupart des bagages. Les bonnes porteuses étaient recherchées comme épouses, tout comme les expertes tailleuses de vêtements de peau. L’habitation en pièces détachées, les peaux, les réserves étaient transportées sur des traîneaux, les travois, tirés la plupart du temps par des chiens. Pour les peuples agricoles, ce nomadisme permettait aux sols épuisés par plusieurs années de culture, de se régénérer.

La redistribution était une pratique courante. Les tribus se soumettaient volontiers à l’injonction de partage. L’accumulation de biens n’était pas le but ultime, ceux-ci devaient circuler. Quand il y avait à manger en abondance, tout le monde avait sa part.

Le troc était largement répandu. Il permettait des échanges entre les peuples voisins. Les caribous au Nord, les bisons dans les plaines, apportaient aux chasseurs les composantes essentielles pour la survie : la peau, pour les tentes, les vêtements, les boucliers, les tambours ; les os pour les pointes de flèches, les outils ; la graisse pour conserver ; la viande ; les tendons pour les fils, les lassos…le surplus était troqué avec les peuples agriculteurs contre des denrées alimentaires provenant de la terre ; des objets en cuivre, poteries, vanneries… La pêche n’était pas négligée puisque les littoraux, les rivières, les fleuves, les lacs, selon les lieux, grouillaient de vie animale : saumons et truites ; esturgeons ; thons, espadons, cabillaud ; morses, phoques, loutres marines, bélugas, et même, la baleine.

Avant l’arrivée des Blancs, les sociétés amérindiennes étaient parvenues à vivre en symbiose avec des milieux étonnamment variés. Le terme de sociétés d’abondance, pour les qualifier, ne serait pas exagéré.

Pourquoi les Amérindiens dans le roman ?

Le professeur Delmont, autre personnage du roman, s’est intéressé de près aux modes de vie des Amérindiens. Selon lui, pour envisager la transition écologique qui préfigure le changement de paradigme préconisé par de nombreux penseurs, nous pourrions nous inspirer des modes de vie mis en place par d’autres sociétés, comme ceux des Amérindiens.

Le consensus plutôt que le compromis

Parmi les pratiques « démocratiques » des nations amérindiennes, on trouve le principe de gouvernement fondé sur la persuasion et le consensus. Les conflits internes, les crimes commis, les comportements déviants étaient réglés par la dissuasion plutôt que par la répression. À la prison ou au châtiment, en tout dernier recours, on privilégiait l’exclusion. Mais avant d’en arriver à cette extrémité, tout était fait pour « adoucir la mauvaise humeur, guérir la maladie d’esprit, et reprendre de bonnes pensées ».
La médiation, la négociation diplomatique, jouaient un rôle décisif, afin de prévenir l’esprit de vengeance et rétablir l’équilibre.
De telles pratiques exigeaient du temps et de la patience, de longs discours aussi, pendant lesquels le calumet était toujours présent. Enfin, les prises de décisions, en matière de politique, visaient à obtenir l’unanimité.
Les Blancs restaient admiratifs devant tant d’efforts déployés pour conserver la paix et l’harmonie au sein des tribus et des clans. Ont-ils été inspirés par ces coutumes, plus tard, au moment de la rédaction de la constitution américaine ?

Pour aller plus loin

MAC LUHAN T.C, Pieds nus sur la Terre sacrée. Denoël, 1971

FRAÏSSE Marie Hélène, Indiens. Éd. du Chêne, 2011

WILSON James, La Terre pleurera. Albin Michel, 2002

NIETHAMMER Carolyn, Filles de la Terre. Albin Michel, 1977

RENE THEVENIN/PAUL COZE, Mœurs et Histoire des Indiens d’Amérique du Nord. Payot, 1992

Sur la frugalité et l’alimentation :

SEIGNALET Jean, L’Alimentation ou la Troisième Médecine, collection Ecologie Humaine, François-Xavier de Guibert

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